Alain Tripier
CEO de SEREHO
Membre du Comité Scientifique de l’Adetem
Analytics & Insights : La crise sanitaire, puis la crise économique ont joué un rôle de booster…
Alain Tripier : La démobilité forcée induite par la crise du COVID a-t-elle changé durablement les attentes et les comportements des citoyens ? Nous ne disposons pas, date du recul nécessaire pour conclure, mais les indications offertes par les études incitent à réfléchir
Le dernier baromètre Obsoco (publié en septembre 2023) montre une progression nette des mobilités actives, en demande d’infrastructures dédiées.
Environ les 2/3 des Français disent privilégier la marche à pied dès qu’ils en ont l’occasion et estiment que cela est agréable. 36% des Français utilisent peu ou prou le vélo et 48% estiment insuffisante la place accordée aux pistes cyclables dans leur commune.
Alors que le vélopartage, du type Velib à Paris, plafonne à 5% des Français, tous ne bénéficiant évidemment pas de l’offre, la trottinette touche 7% des Français avec une tendance nette à l’acquisition.
Si 4% des Français ont recours à l’autopartage, le covoiturage diminue, 20% des propriétaires de VP ont accueilli des passagers au cours des 12 derniers mois, ils étaient 28% en 2016, mais les anticipations d’usage de ceux qui y ont recours restent fortes !
14% des Français ont recours aux VTC, en légère progression par rapport à 2016 et bien entendu concentrés dans les grandes villes.
14% également ont recours aux cars longue distance, alors qu’un automobiliste sur trois hésite entre le train et la voiture pour les week-ends et les vacances ; 22% des départs en vacances se faisant actuellement en train
D’après l’UTP (Union des transports publics et ferroviaires), dans son dernier observatoire de la mobilité (Septembre 2022) les utilisateurs de transports publics attendent des dessertes plus fréquentes (63%), des réseaux plus étendus (55%), des amplitudes horaires plus larges (45%) et seulement 24% attendent davantage d’informations sur smartphone. Selon l’UTP il faut un réel choc d’offre pour que les avantages des transports publics s’approchent de ceux offerts par la voiture. Les bénéfices attendus par la quasi-totalité utilisateurs tiennent à la disparition des problèmes de stationnement, à la réduction de la pollution et des embouteillages. Au bilan 93% (52% tout à fait persuadés) des Français, utilisateurs ou non, estiment qu’il faut développer les transports publics
Analytics & Insights : Aujourd’hui, comprendre les attentes et besoins des citoyens, et y répondre, devient d’une complexité absolue …
Alain Tripier : L’étude menée par le think tank « Destin Commun » met toutefois en évidence une série de dissonances dans le rapport des individus à la mobilité, qui sont autant de décalages entre leur discours et leurs comportements :
- Tandis que les jeunes (18-35) sont nettement moins attachés que leurs aînés à la voiture en général et surtout plus sensibles aux enjeux climatiques, ils se montrent en revanche plus attirés que ces derniers par les grosses voitures.
- 76 % des Français considèrent qu’il faut créer davantage de pistes cyclables sur l’ensemble du territoire pour favoriser l‘usage du vélo, mais seulement 43 % indiquent que s’il y en avait davantage, ils se déplaceraient plus en vélo au quotidien.
Selon cette étude, l’écart est considérable entre l’intention vertueuse et les comportements.
Analytics & Insights : Pour répondre à ces nouvelles problématiques, de nouveaux outils apparaissent nécessaires, notamment basés sur l’AI…
Alain Tripier : Il semble impossible de terminer cet article, comme n’importe quel autre, sans un mot sur l’IA !
Chacun sait que des véhicules autonomes circulent depuis plusieurs années, à titre expérimental le plus souvent, mais des applications en site ouvert existent.
Toujours au sujet des véhicules, les Tesla mises sur le marché sont réputées être en mesure d’être autonomes ou presque. Au-delà de cet exemple emblématique, À quoi peut servir l’intelligence artificielle dans la mobilité, et les services liés ?
Dans la conception et l’exploitation des services de transport, depuis plusieurs décennies on fait appel au big data (mot démodé) et à l’open data pour produire des applications « as a service » mises à disposition des usagers, compilant les données de trafic, les fichiers des horaires, etc… L’apport de l’IA peut être décisif grâce aux capteurs fixes ou installés dans les véhicules et aux téléphones mobiles par exemple, rien de nouveau jusque-là ! Mais grâce aux algorithmes on peut imaginer que le rapprochement entre les données acquises par les moyens traditionnels (enquêtes déplacement, horaires…) et les captures et temps réel peut produire su sens grâce au machine learning notamment.
La bonne nouvelle c’est que l’one ne part pas de zéro ! Les approches d’aide à la mobilité ont déjà fait l’objet de nombreux développements et applications efficaces et massivement utilisées, notamment dans les zones urbaines denses (exemple City mapper en IDF). On peut donc espérer que la couche d’IA améliorera encore la qualité de service.