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Market Research dans le monde d’après, avec Isabelle Fabry

Isabelle Fabry

Férue de recherche et prospective notamment en Neurosciences, Isabelle Fabry dirige depuis 20 ans, une société de conseil en Insight et Stratégie Marketing, ActFuture, qui conçoit et réalise des études marketing Qualitatives, Quantitatives et Innovantes, en France et à l’international.

Elle est aussi la coreprésentante France pour Esomar, Association Internationale du Market Research.

Son credo est la pertinence et le sur-mesure : le but étant de donner une vision claire et adaptée de l’avenir et des actions à mener aux entreprises qui la consultent.


Analytics & Insights : La crise sanitaire a profondément secoué le monde des études marketing et de la connaissance consommateurs : pour toi, s’agit-il plus d’une rupture ou d’une accélération de tendances déjà existantes ?

Isabelle Fabry : De mon point de vue, avant Covid, la tendance était aux logiciels bien conçus, dits intelligence artificielle, qui mixaient les datas du passé avec les datas disponibles sur le web (je caricature) dans le but de prévoir l’avenir.

La crise sanitaire a remis en question toutes ces datas du passé. Pourquoi ?

Parce que cette expérience inédite au niveau planétaire a profondément modifié chaque individu qu’il le veuille ou non dans son rapport à lui-même, aux autres, à la société, aux autres pays continents. La petite graine de la peur de mourir ou de ne pas assez bien vivre s’est ancrée en chacun.

Face à cela, que les marques l’avoue ou pas, une certaine peur de ne plus maîtriser et pouvoir influencer son marché s’est ancrée.

Des grandes tendances émergent : la vague de la préoccupation écologique et le passage à l’acte d’achat modifié pour grand nombre, la disparition des marques comme références au crédit de la recherche du sur-mesure et de la qualité durable, la conscience de son impact/responsabilité personnelle sur le monde, les réseaux sociaux et la communication direct entre individu qui gomment sérieusement le crédit des médias, …

Aussi, les datas du passé semblent obsolètes. Aujourd’hui, les marques veulent com-prendre le consommateur dans le but de se réinventer dans le bon sens et sans tricherie (être authentique, dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit).

L’impact sur les études me semble clair. Plus d’études sur mesure et qualitatives dans le but de sonder les processus psychologiques de ces consos-conscients-battants-citoyens-acteurs pour réussir à les séduire à nouveau.

Analytics & Insights : Face à l’accélération actuelle, il faut faire preuve de souplesse, d’agilité …

Isabelle Fabry : Oui évidemment, cela a toujours été le crédo de ActFuture, mais là encore plus.

Comment dans un monde où il suffit de tapoter sur son téléphone pour avoir une réponse satisfaisante peut-on dans le market research se permettre de ne pas être réactif et agile ?

Un individu ne se découpe pas en tranche, les clients du market research sont aussi ceux qui commandent sur Amazon le dimanche soir et reçoivent leur marchandise le lendemain.

La graine de l’exigence temporelle et de la satisfaction immédiate a déjà transformé l’épigénétique de notre ADN individuel et collectif, personnel et professionnel.

Analytics & Insights : Prospective, data, AI, neurosciences, communautés, etc. : dans quelles directions va se développer la recherche dans les mois qui viennent ?

Isabelle Fabry : La prospective sera à mon avis le point clé d’entrée.

Les clients aujourd’hui manquent de visibilité d’avenir.

Le reste des points mentionnés ne sont que des moyens qui répondent à différentes motivations avec des degrés de maturité / développement différents :

  1. Les communautés me semblent être un bon outil qui a déjà 15-20 ans, toujours utile mais très maîtrisé dans sa mise en œuvre et dans l’exploitation des résultats,
  2. Les datas ou plus précisément les nouvelles datas valides à reconstruire sont la base : la condition sine qua none / la fondation de la prospective,
  3. L’AI permet d’aller plus vite et de manière plus pertinente. A valider néanmoins le fonctionnement exact des logiciels et la possibilité d’être pleinement pris en considération dans son unicité business, le risque de mon point de vue pour les entreprises, est d’être face à une boîte noire bien vendue / marketée.
  4. Les neurosciences et sa source – le cerveau – ont, à mon avis, le plus gros potentiel de développement, on en est tant en connaissance qu’en exploitation, qu’aux balbutiements.

Analytics & Insights : De nouveaux acteurs issus du monde des technologies sont apparus dans le champ de la connaissance consommateurs ces dernières années : comment se situent les acteurs plus traditionnels dans ce nouveau paysage ?

Isabelle Fabry : Comme évoqué ci-dessus, après une vague de séduction très importante, ces nouveaux acteurs sont reconsidérés à la lumière de la pertinence.

Aller vite, maîtriser en apparence l’alchimie des datas, donner des résultats en facial séduisants, apparaître comme un gourou incontesté et parfois irréfléchi reste songeur.

Notre époque très actuelle est à la compréhension, à l’approfondissement, à l’authenticité, à l’honnêteté et là, dans ce contexte, les acteurs traditionnels gardent pleinement leur rôle.