Catégories
Interviews

Market Research dans le monde d’après, avec Nicolas Riou

Nicolas Riou

Founder et CEO – Brain Value

Dernier ouvrage : Le Consommateur Digital


Analytics & Insights : La crise sanitaire a profondément secoué le monde des études marketing et de la connaissance consommateurs : pour toi, s’agit-il plus d’une rupture ou d’une accélération de tendances déjà existantes ?

Nicolas Riou : Il y a eu une vraie rupture avec, notamment pour les études qualitatives internationales, l’arrêt des voyages de suivi des terrains internationaux et le suivi en visio. Face à l’impossibilité de voyager, les études se sont reportées sur l’outil digital. En conséquence l’activité ne s’est pas arrêtée comme on aurait pu le craindre. Mais elle a pris des formes différentes. Qu’il s’agisse de focus groups ou d’entretiens ethno, le digital a prouvé qu’il engendrait un même niveau de qualité que le suivi physique.

Demain, il sera difficile de revenir à des terrains incluant des déplacements, sauf pour certains cas spécifiques et moins fréquents. Cela peut engendrer un effet de lassitude lié au suivi en visio, mais aussi une déperdition progressive liée à la moindre compréhension du contexte culturel dans lequel se déroulent les études. Notamment pour les pays asiatiques ou la culture de consommation change rapidement, il est important d’être en prise directe sur la culture en se déplaçant. Cela permet une meilleure contextualisation de l’étude et empêche de passer à côté d’une évolution importante.

En parallèle, l’ampleur des changements implique de nombreuses demandes d’études pour s’adapter à l’évolution des consommateurs. Il faut comprendre les nouvelles tendances, les changements des modes de vie engendrés par la crise. Cela représente une opportunité pour le monde des études car le besoin d’être « consumer centric » n’a jamais été aussi important.

Analytics & Insights : Face à l’accélération actuelle, il faut faire preuve de souplesse, d’agilité …

Nicolas Riou : Oui, et expérimenter de nouvelles approches digitales pour améliorer l’expérience étude en ligne : par exemple s’inspirer de ce qui est fait par les e-commerçants : la réalité augmentée pour faciliter des expériences immersives depuis chez soi en visualisant par exemple un maquillage sur soi ou l’effet d’une peinture ou d’un nouveau mobilier dans son salon, sont peut-être des pistes à explorer pour améliorer les études qualitatives.

Analytics & Insights : Prospective, data, AI, neurosciences, communautés, etc. : dans quelles directions va se développer la recherche dans les mois qui viennent ?

Nicolas Riou : On voit naître chez nos clients le besoin de plus d’études prospectives. Dans un contexte de changement accéléré, comme cela peut être le cas dans l’automobile avec le développement du moteur électrique, et les changements de fond que cela implique tant au niveau des usages que des attitudes, les clients s’interrogent sur les tendances et les changements qui animent leur catégorie.

Cela rend le planning stratégique toujours plus utile en complément des outils de consultation des consommateurs. L’éclairage sur les tendances, la capacité des workshops à transformer les résultats d’étude en prise de décision marketing sont autant d’atouts pour la réussite d’un projet.

Le mariage de la data avec les études (au moins les études qualitatives) est moins intuitif et il semble que les tentatives en ce sens ne produisent pas les résultats escomptés.

Analytics & Insights : De nouveaux acteurs issus du monde des technologies sont apparus dans le champ de la connaissance consommateurs ces dernières années : comment se situent les acteurs plus traditionnels dans ce nouveau paysage ?

Nicolas Riou : La technologie est un outil de plus au service de la connaissance client. Les outils de Social Media Listening et d’Intelligence Artificielle, sont souvent très complémentaires avec les approches traditionnelles et nous les associons très volontiers pour plus de richesse d’analyse. La technologie se marie avec les approches traditionnelles et les projets deviennent plus hybridés. Les acteurs traditionnels des études doivent faire preuve d’agilité pour s’adapter à ces changements et faire évoluer leur offre.