Daniel Bô
En tant qu’animateur de QualiQuanti, il explore depuis 30 ans les méthodologies d’étude et mène des recherches autour du brand content et de la brand culture. Son ambition est de stimuler la profession des études et du marketing en France et à l’international en privilégiant la recherche de sens.
Analytics & Insights : La crise sanitaire a profondément secoué le monde des études marketing et de la connaissance consommateurs : pour toi, s’agit-il plus d’une rupture ou d’une accélération de tendances déjà existantes ?
Daniel Bô : C’est une radicalisation sur le plan des méthodologies avec une réduction du présentiel et une montée en puissance du distanciel. Dans le rapport GRIT : Marketing Greenbook, les évolutions méthodologiques sont bien détaillées.
Chez QualiQuanti, nous pratiquons le télétravail depuis la création en 1990 avec des collaborateurs qui vivent en province ou à l’étranger. La pandémie a confirmé notre démarche et nous sommes passés de la marginalité à la norme. Voici notre retour d’expérience sur ce sujet ; le métier des études est particulièrement en affinité avec le mode remote.
Analytics & Insights : Face à l’accélération actuelle, il faut faire preuve de souplesse, d’agilité …
Daniel Bô : L’agilité fait partie du métier des études. Il faut fuir les dispositifs trop lourds, qui menacent l’intuition et la créativité. La souplesse doit être à tous les niveaux, du processus de sélection de l’institut jusqu’à la présentation des résultats. Exemple de souplesse, l’enregistrement de la présentation d’étude en vidéo. Cela permet de partager avec différents interlocuteurs difficiles à réunir, de conserver en mémoire les réflexions autour des résultats, de réactiver la présentation à la demande.
Voici une réflexion sur l’intérêt comparé d’une présentation live par rapport à une présentation enregistrée.
| Présentation en live | Enregistrement en replay | |
| Principe | Présentation d’étude en direct, en présentiel ou à distance, avec séance de questions-réponses | Enregistrement soit lors de la présentation en live soit lors d’une séance dédiée |
| Enregistrement | Les avantages (le contact direct) et les risques du live : problèmes techniques, salle non disponible, son défectueux, retard dû à un participant, annulation de dernière minute, intervenant manquant, risque de dérapage sur le contenu | Possibilité d’enregistrer en plusieurs fois, de découper la prez et de réserver l’accès à certaines parties (ex : synthèse et recommandations pour les dirigeants), de contrôler voire de modifier le contenu et de maîtriser la durée. |
| Réutilisation | Il suffit d’enregistrer le live pour disposer d’un replay | On dispose d’une présentation en archives accessible à la demande |
| Interaction | En live pendant et après la réunion si le temps le permet (le temps dédié aux questions est souvent amputé par la présentation) | Possibilité d’organiser une réunion dédiée aux échanges après visionnage individuel. Possibilité de donner ses questions à l’avance. |
| Contraintes | La réunion doit être organisée à une heure fixe ; risque de devoir attendre les retardataires | Liberté pour visionner quand on veut : à vitesse rapide, en sautant des passages ou en plusieurs fois. |
| Souplesse | Uniquement en choisissant son heure d’arrivée et de départ | Permet d’enregistrer en plusieurs langues et de découper en plusieurs modules. Pas de problème de fuseau horaire |
| Suivi | Pointage des personnes présentes, évaluation oculaire des réactions | Permet de savoir qui a regardé et de connaître les passages vus |
Analytics & Insights : Prospective, data, AI, neurosciences, communautés, etc. : dans quelles directions va se développer la recherche dans les mois qui viennent ?
Daniel Bô : Toutes ces notions ont du sens mais si je dois choisir je réponds recherche documentaire, analyse sémiologique et culturelle et communauté. Pour explorer une réalité sensible et symbolique, rien ne vaut une démarche qui allie la force du rationnel et la créativité de l’imaginaire. Les études marketing se heurtent à la complexité́ des motivations, l’enchevêtrement des causes, la multiplicité́ des facteurs explicatifs. Il faut comprendre la cohérence d’ensemble et les parties qui la composent.
Pour réussir à décrypter des phénomènes complexes tels que l’analyse d’une expérience dans ses différentes facettes, il faut une méthodologie puissante qui s’inscrive dans la durée et qui permette plusieurs itérations. Il faut pouvoir suivre le consommateur jour après jour dans ses habitudes et sa relation aux marques et démultiplier les axes d’interrogation au fur et à mesure de l’étude. Il faut éviter de segmenter trop tôt les sujets, offrir l’opportunité d’une vision de surplomb du terrain à étudier, avec des allers-retours à volonté sur des points précis.
Concernant la recherche, je m’intéresse aux thématiques montantes. Parmi les sujets clés que nous suivons : la montée en puissance de l’extérieur dans les activités (la ruée vers l’air), l’alimentation végétal et les barres repas, le retail media et le product content, les écrans digitaux, la surexposition aux écrans, le vrac et la transformation des emballages, la marque employeur avec la nécessité d’attirer les talents, les séniors avec l’augmentation à venir des plus de 75 ans, etc.
Analytics & Insights : Tu viens de publier Big Quali chez Dunod : une nouvelle voie pour les études marketing ?
Daniel Bô : Le Big Quali désigne la capacité à recueillir et à analyser une masse de données qualitatives.
Des données non structurées – vidéos, photos, témoignages à grande échelle… Avec une vision omnisciente, la volonté de tout comprendre, de tout savoir, de faire le tour complet d’un sujet. Pour comprendre un phénomène et en avoir une vision globale, il faut une masse d’exemples significatifs.
Accumuler des données qualitatives permet de généraliser des règles à partir d’une vue panoramique (vue d’avion) alliée à une analyse en profondeur (zoom). Un procédé d’analyse qui part du chaos (une masse d’exemples ou de témoignages) pour aboutir à une compréhension fine et détaillée.
Voici un aperçu de ce livre qui sort le 19 janvier.
