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Le métavers est-il déjà dans le fruit ?

Le 28 octobre 2021, en changeant de nom pour devenir Meta, Facebook cherche bien sûr à préserver la maison mère des attaques liées à aux dérives du réseau social, suite notamment aux révélations de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, mais aussi à verrouiller sa nouvelle stratégie de développement dans les mondes virtuels en lançant le projet Horizon, son métavers maison.

La question ne se pose pas sur l’intérêt marketing du – plutôt des – métavers, ces mondes virtuels permettant de réaliser des business bien réels ; déjà Neal Stephenson racontait dans Le Samouraï virtuel comment les nouveaux arrivants « n’ont généralement pas les moyens de s’offrir des avatars customisés […]. Ils les achètent dans les grandes surfaces ».

Mais quid des études marketing ?

Car les mutations technologiques bouleversent de plus en plus brutalement nos métiers : ces dernières années sont apparus et se sont développées de nouvelles méthodologies de recueil, des access panels aux communautés en ligne, tandis que parallèlement se déployait le social listening.

Ce qui, par voie de conséquence, pose aujourd’hui le problème du traitement de données non structurées en grandes masses, problématique à laquelle répondra avec succès l’intelligence artificielle.

Le virtuel s’est plus récemment invité dans le paysage, par le biais de la réalité tant virtuelle qu’augmentée : dans un cas comme dans l’autre, il s’agit permettre à des consommateurs de s’immerger dans un monde virtuel pour y découvrir par avance des produits et services qu’il retrouva ultérieurement dans le réel.

Bien évidemment, de tels univers restent extrêmement limités dans l’espace et dans le temps : une cuisine, une buanderie, pendant 15 à 20 minutes en réalité virtuelle, voire son propre salon pour choisir des éléments décoratifs en réalité augmentée.

Dans le cas d’Horizon – mais également des projets concurrents, notamment coréens – de telles limitations disparaissent : les visiteurs peuvent se déplacer durant des heures dans des espaces d’autant moins finis que chaque participant peur apporter sa pierre à l’édifice en achetant des terrains, puis construisant ses buildings.

Les métavers se distinguent des jeux en ligne par leur finalité en ce sens … qu’ils n’en aucune précisément : alors que l’objectif de tout joueur est de … jouer, et si possible gagner, seul ou en groupe, celui des visiteurs des métavers n’apparaît pas prédéfini par le concepteur de l’univers : chacun y va de son projet, basique – un simple promenade – ou ambitieux – développer une chaine de restaurants, des salles de jeux, voire des activités beaucoup moins nobles !

Revenons à Neal Stephenson et ses nouveaux arrivants qui « achètent dans les grandes surfaces » : pourquoi les études marketing ne pourraient-elles pas ajouter sur leurs rayons divers prototypes pour en tester l’attractivité ? Et pourquoi un avatar enquêteur ne pourrait-il pas demander au coin d’une avenue à un promeneur pour qui il pense voter lors de la prochaine Présidentielle ?

L’ancêtre – mais encore bien vivant – des métavers, Second Life, autorise toutes sortes de commerce, même si la loi américaine l’a obligé à fermer ses casinos en 2007 ; certains instituts d’études s’y sont lancé en organisant des groupes qualitatifs virtuels, d’autres des sondages quantitatifs, toute une activité dopée par des coûts particulièrement attractifs.

Aujourd’hui, Second Life a perdu de sa magie, de son attractivité … et de son intérêt pour les études marketing, la population fréquentant cet univers apparaissant très marginale, tant dans ses comportements que dans sa consommation.

Nul doute que les nouveaux métavers attireront – pour un temps limité, ou durablement, difficile à savoir – de nouveaux utilisateurs … et donc de nouveaux business … y compris les instituts d’études marketing. D’autant que ces univers bénéficieront d’une bien meilleure conjoncture : d’une part la technologie a considérablement progressé – aux débuts de Second Life, on avait la désagréable impression de voler dans des espaces désespérément vides.

Par ailleurs, les dernières générations de jeux vidéos ont familiarisé les internautes avec univers virtuels de plus en plus réalistes … tandis que les multiples confinements sanitaires récents ont habitué les salariés aux réunions virtuelles, ce qui a conduit Meta – quoi s’appelait encore Facebook – à lancer dès l’été 2021 Oculus Horizon Workrooms, à mi-chemin entre métavers et Teams.

Aujourd’hui, les premières esquisses d’Horizon, que l’on découvre çà et là dans les médias spécialisés, demeurent nettement plus proches de Second Life que de ce qu’imaginait Neal Stephenson !

Mais nul doute qu’apparaîtront prochainement – et certainement d’ici la fin de la décennie – des métavers nettement plus convaincants et plus proches de notre quotidien : sans doute, les instituts d’études de marché doivent-ils se préparer à y construire leurs filiales …