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Interviews

Market Research dans le monde d’après, avec Maryse Mougin

Maryse Mougin

Directrice de la Relation et du Marketing Client – La Poste.

Coprésidente de l’Adetem.


Analytics & Insights : La crise sanitaire a profondément secoué le monde de la connaissance clients/ consommateurs : pour toi, s’agit-il plus d’une rupture ou d’une accélération de tendances déjà existantes ?

Maryse Mougin : Clairement, une accélération de tendances déjà existantes, même si bien sûr la crise sanitaire a pu provoquer des « cassures » dans la manière dont les consommateurs se comportent et réagissent, notamment avec un usage digital qui est réellement « passé à l’échelle ».

Cette accélération demande, plus que jamais, de rester à l’écoute du client au quotidien : le besoin de proximité physique demeure – et demeurera certainement longtemps – le client apparaît aujourd’hui meurtri par la crise sanitaire, il est en quête de soutien et de repères.

Il faut partir en quête de tous ces signaux faibles qui préfigurent ce que sera réellement le monde de demain – un monde de demain qui ne peut totalement s’inspirer du monde d’aujourd’hui tant les brèches sont nombreuses … d’où la nécessité d’études prospectives élargies : il faut sans cesse investiguer de nouveaux champs et travailler sur des thématiques larges.

Analytics & Insights : Face à une telle accélération, il faut faire preuve de souplesse, d’agilité … beaucoup de test and learn, d’expérience clients

Maryse Mougin : Beaucoup de test and learn pour améliorer l’expérience clients en effet, mais beaucoup de professionnalisme aussi : ce n’est parce que ,nous traversons un crise sanitaire planétaire que le consommateur est soudain devenu empathique vis-à-vis des marques et des entreprises, bien au contraire : il reste, très exigent, attend plus encore!

Juste un exemple : avec les problèmes sanitaires et la nécessaire distanciation, les queues s’allongent dans les bureaux de poste, et les clients se plaignent :  c’est bien à nous d’organiser de meilleurs conditions d’attente pour leur rendre la situation acceptable – donc à nous d’effacer les queues, même avec dans ce contexte de  contraintes– pas à eux de prendre leur mal en patience : leur niveau d’exigence est aujourd’hui extrêmement élevé ; et ce niveau se révèle le même tant en physique qu’en digital  malgré la distanciation apportée par l’écran : c’est vraiment « Ce que je veux, et quand je le veux, débrouillez-vous ! ».Cette crise n’a pas rendu le client empathique !

Analytics & Insights : Il y a aussi le problème de la data : de plus en plus de données, parfois hétérogènes ; sans oublier les communautés internes …

Maryse Mougin : C’est toute la question des data lakes – ces immenses réservoirs virtuels où l’on emmagasine toutes les données de l’entreprise – et de la convergence des données : à la fois très lourd et horriblement complexe … d’autant que leur croissance se révèle quasiment exponentielle !

Or aujourd’hui, pour notre business au quotidien, nous avons un besoin crucial de toutes ces données … et pas n’importe comment : il faut être capable de les structurer, de les faire converger … bref, d’en tirer du sens.

En schématisant, le marketing utilise trois grands types de données :

  • Des données « techniques » : elles structurent l’offre elle-même, font partie intégrante de son industrialisation  et sont souvent le point de départ de l’expérience bout-en-bout
  • Des données liées à l’expérience des clients, à leurs interactions avec les entreprises et les marques
  • Des données quelque fois moins tracées mais extrêmement importantes, liés aux émotions , au « ressenti », qui se construisent tant au travers du vécu client qu’au travers de ce qu’ils perçoivent dans les médias et sur les médias sociaux, au cours de discussions, etc.

Une masse immense de données, qu’il nous faut mettre en concordance, mais aussi alléger pour les rendre opérationnelles, et pour cela, nous avons de plus en plus besoin de l’Intelligence Artificielle : l’IA s’inscrit au cœur des process, des usines au contact client final, elle tire toute la chaine.

Analytics & Insights : La connaissance consommateurs devient centrale : comment infuse-t-elle dans une entreprise comme la tienne, mais aussi dans tous les grands groupes ? Ta position de coprésidente de l’Adetem te permet de disposer d’une bonne vue d’ensemble.

Maryse Mougin : Aujourd’hui l’expérience clients domine toute l’organisation de l’entreprise, des collaborateurs au contact quotidien des clients jusqu’au Comex … et je dirais même, surtout au Comex : c’est même la principale mutation que j’observe : la présence effective du client au sein même des instances stratégiques comme des instances de direction.

Ma position de co-présidente de l’ADETEM me permet aujourd’hui d’échanger avec une grande diversité d’acteurs importants de notre économie : ce qui me frappe, c’est que, entre avancées technologiques présentes de l’industrialisation d’une offre jusqu’aux moindres  détails de son parcours et de son contexte d’expérience , besoin de co-construction, attente  de prise  en compte d’enjeux sociétaux via la  RSE et discussion permanente sur les réseaux sociaux , le client est omniprésent et il a souvent le dernier mot !