Quoi de plus banal que de croiser dans le métro un livreur de pizza, son vélo à la main ? Un usage qui illustre parfaitement la désuétude de l’opposition transports en commun / transports individuels ; barrière qui s’effondre tout autant quand j’enfourche un Vélib’ : seul sur ma monture, j’utilise un système collectif !
D’où le passage de la notion de transports – très 20ème siècle – à celle de mobilité – beaucoup plus actuelle ; passage qui s’accompagne d’une double complexité :
- Complexité au nouveau de l’offre avec, notamment, les problématiques liées à l’intermodalité : comment proposer des solutions efficaces et séduisantes, conjuguant des modes de transport différents, parfois opérés pas des prestataires différents ;
- Complexité au nouveau des citoyens, qui réalisent des arbitrages souvent difficiles, en fonctions d’attentes parfois mouvantes, voire contradictoires : écologie, confort, rapidité, prix… et deviennent parfois eux-mêmes acteurs de mobilité (covoiturage).
Historiquement, tout apparaissait beaucoup plus simple, avec le maillage très étroit de notre pays par les chemins de fer, notamment les lignes rurales à voies métriques, système qui atteindra son apogée entre les deux guerres mondiales avant de se voir concurrencé par la montée en puissance de l’automobile.
Le siècle dernier s’achèvera avec un modèle totalement centré la praticité (automobile) et la rapidité (TGV, avion) et peu soucieux de l’environnement, avec notamment l’arrivée des SUV et autres crossovers.
Le 21ème suivra la même tendance, malgré les alertes environnementales à répétition : le GIEC, Greta Thunberg, Extinction Rebellion, etc. La crise sanitaire liée au Covid 19 et ses conséquences sociétales vont – partiellement – changer la donne : les citoyens découvrent la vulnérabilité de la planète, et la fragilité des certitudes.
La guerre en Ukraine, et les nouvelles difficultés économiques liées à cette crise majeure, continuent le travail de sape … même si bien des gens tentent coûte que coûte de continuer à vivre comme « avant » : le transport aérien a retrouvé ses niveaux d’avant Covid alors que bien des automobilistes peinent à faire le plein.
Toutefois, la situation apparaît extrêmement complexe et il convient de se méfier des généralisations trop hâtives, du style : les classes aisées voyagent sans se soucier de leur bilan carbone tandis que les plus pauvres remisent contraints et forcés leur voiture au garage ; car on n’a jamais tant croisé de cadres se rendant à leur bureau à bicyclette à La Défense tandis que la voiture demeure le seul mode de transport envisageable dans bien des banlieues ignorées des transports en commun.
Le paysage se complexifie encore quand nos cyclistes vertueux sautent soudain dans un avion, le temps d’un weekend aux Baléares… Bref, les citoyens se révèlent bien souvent contradictoires, ce qui ne simplifie pas le quotidien des opérateurs de mobilité, opérateurs qui doivent :
- Décrypter des attentes, motivations et comportements individuels, dans leurs particularismes, voire leur incompréhensibilité et leur apparente irréconciliabilité ;
- Agréger ces individualités pour en discerner des tendances, en tirer des enseignements à confronter aux potentialités et contraintes technologiques, dans un cadre plus soucieux d’écologie que par le passé.
Pour mieux comprendre les enjeux auxquels ils devront faire face, nous leur ouvrons nos colonnes, ainsi qu’à plusieurs experts indépendants, afin d’esquisser ce que pourrait être une mobilité plus sobre.