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Synthèse Juin 2021

#1 – Rien ne sera plus comme avant ?

Aujourd’hui, la connaissance des consommateurs/clients/citoyens oscille entre l’homme et la machine, entre deux intelligences, humaine et artificielle : c’est pourquoi, avec Christian Langevin, nous avons ouvert début mars le blog Analytics & Insights pour réfléchir à l’avenir de la discipline.

Pendant un trimestre nous avons publié une vingtaine d’interviews et points de vue d’experts, pour certains professionnels, universitaires pour les autres ; nous allons profiter de la période estivale pour mettre toute cette matière en forme et finaliser le livre blanc qui sortira dès la rentrée.

Mais l’aventure ne s’arrêtera pas là, car nous avons senti un profond besoin de dialogue : d’autres interviews seront réalisés dès septembre, d’autres points de vue recueillis … bref, ce n’est que le début d’une longue et belle aventure.

En attendant, nous allons présenter ici dès cette semaine, les principales conclusions de ces travaux – en plusieurs épisodes, pour vous laisser le temps d’apprécier la richesse des contributions.


Une page se tourne, « rien ne sera plus comme avant », estimait-on en début du 1er confinement – le plus radical, psychologiquement le plus violent : plus jamais les citoyens n’accepteront des marques, des médias, des politiques, etc. ce qu’ils ont admis auparavant ; et ainsi plus besoin des prises de paroles passionnées de Greta Thunberg, des actions radicales d’Extinction Rebellion … devenus responsables, les Français développent une consommation nécessairement vertueuse ?

Une même sidération a frappé consommateurs et marketers, et le stress engendré par cette situation hors norme nous a fait perdre nos points de repère ; mais un an plus tard, plus personne désormais ne parle de rupture, ni de monde nouveau, même si le « rien ne sera plus comme avant » reste malgré tout partiellement d’actualité …

Des citoyens désorientés

Partiellement, parce que s’il n’y a pas eu de « grand soir » social – le « voyageur de 2019 » serait bien moins égaré que les Persans de Montesquieu – nul ne souhaite que le monde post Covid ressemble au monde d’avant : il y a eu accélération de tendances préexistantes extrêmement puissantes, et ça, c’est inéluctable et non négociable, tant pour les entreprises que pour nos gouvernants.

Tendances préexistantes … parfois divergentes, sinon contradictoires : certains plébiscitent le télétravail qui favorise une vie plus harmonieuse loin des grands centres urbains, tandis que d’autres trépignent de ne pouvoir partager un café avec leurs collègues ; et si tous s’accordent pour privilégier le « local » … tous n’en ont pas les moyens !

Les citoyens apparaissent perdus, désorientés, sans repères solides : pendant de longs mois, ils ont dû renoncer à bon nombres de libertés tout en digérant une multitude d’informations plus ou moins contradictoires – les fake news n’ont jamais autant proliféré !

Alors, allez leur demander de se prononcer clairement sur ce qu’ils vivent, souhaitent, envisagent … voire sur ce qu’ils font ! Et feront demain !

A cela, ajouter une bonne dose de fragmentation accélérée des populations, d’inconstance et d’instabilité des comportements, de méfiance à l’égard des institutions – et des marques – liée à une confiance grandissante à des gens qu’ils rencontrent par hasard sur les médias sociaux : un beau cocktail explosif pour souligner la complexité grandissante des métiers de la connaissance consommateurs …

« Nous avons pensé que les consommateurs avaient ou allaient profondément changer, revoir durablement leurs habitudes, que la consommation n’aurait plus la même place dans nos sociétés. Nous avons pensé que nous devrions imaginer de nouvelles manières d’interroger les consommateurs, que les méthodes digitales s’imposeraient définitivement, que l’analyse des datas serait la pierre angulaire de la compréhension. Un an après, nous faisons le constat que si ces phénomènes sont vrais, ils ne sont pas aussi forts que ce que l’on pouvait imaginer et qu’ils existaient déjà auparavant. Il n’y a donc pas eu de rupture mais bien une accélération des tendances » – Philippe Rondeau.

« Pour le monde de la connaissance client/consommateurs/citoyens, j’ai la conviction que nous sommes dans une phase d’accélération de tendances plus que d’une rupture » – Frédéric Cantat.

 « Changer de regard sur l’écoute. Non plus uniquement capter des signaux faibles qui préexisteraient. Mais les susciter. Organiser et stimuler la conversation qui permettra d’entendre fort et clair ce que les gens vont faire différemment. Parce qu’ils en parlent déjà différemment » – Xavier Charpentier.

« L’enjeu central pour la recherche est de forger des explorations, analyses et concepts aptes à révéler des « nouvelles réalités » qui selon échappent aux dispositifs d’études habituels dans la mesure où ils se fondent le plus souvent sur des grilles de lecture relativement aveugles aux phénomènes émergents » – Véronique Varlin.