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Market Research dans le monde d’après, avec Charlotte Taupin

Charlotte Taupin

Charlotte Taupin a grandi dans le secteur des études marketing, et observé ses mutations ces 20 dernières années.

Elle a eu la chance de travailler sur des sujets aussi divers que l’analyse de données quantitatives pour des clients de différents secteurs, que sur la mise au point de nouvelles approches reposant sur la recherche universitaire.

Ex COO d’Ipsos en France, elle a également travaillé auparavant chez GfK, et BVA et a aussi créé sa propre structure en 2010 avec InCitu, un institut précurseur des études réalisées sur Facebook.

Son sujet de prédilection ces dernières années réside dans l’efficacité de nos différentes branches métier et leur intégration dans notre nouveau monde. A ce titre, elle collabore régulièrement avec Esomar.


Analytics & Insights : La crise sanitaire a profondément secoué le monde des études marketing et de la connaissance consommateurs : pour toi, s’agit-il plus d’une rupture ou d’une accélération de tendances déjà existantes ?

Charlotte Taupin : Oui, la crise sanitaire est dévastatrice à beaucoup d’égards ; mais dans notre petit monde des études marketing, plutôt conservateur, la crise sanitaire a comme libéré la parole et les idées. Une sorte de plafond de verre que chacun d’entre nous s’imposait peut-être… Les idées pourtant il y en a, et il y en a toujours eu. Mais depuis que j’évolue dans ce métier, c’était le plus souvent présenté sur le bout des lèvres, entouré de beaucoup de précautions et de voix contraires. Et si par le plus grand des hasards (ou de conviction de son inventeur !) l’idée voyait enfin le jour, alors elle allait entreprendre un long chemin de petits pas pour en faire une offre légitime … le temps d’oublier qu’on avait eu une idée de génie à un moment donné.

Au fil des années, le secteur s’est enrichi. Aujourd’hui il mue profondément.

Enfin aujourd’hui, on ose dire que les temps ont changé, que nos méthodes doivent absolument rattraper les évolutions que l’on observe dans la société. Et qu’elles n’en seront pas moins fiables… au contraire !

N’est-ce pas absurde d’avoir accès à une technologie galopante dans notre vie de tous les jours (on paye avec le pouce, on se fait livrer n’importe où en 1 jour, on choisit des films à partir de recommandations personnalisées, la musique se lance à la voix,… ), et de continuer à faire notre métier comme il y a 20 ans ? C’est un peu caricatural, car il y a eu en 20 ans des innovations extraordinaires mais pas suffisamment fondamentales probablement pour secouer comme tu dis le monde des études.

Non seulement on le dit, mais chacun agit. Ce qui me frappe, c’est que les nouveaux acteurs et même les clients habituels des études ont envie de changer les choses. ils veulent se laisser surprendre, ils veulent imposer leurs nouvelles idées, et vite! ils n’ont plus peur. Je suis persuadée que la crise sanitaire a joué un rôle. On a tous envie de pimenter notre vie professionnelle puisque notre vie personnelle est en stand-by !

Analytics & Insights : Prospective, data, AI, neurosciences, communautés, etc. : dans quelles directions va se développer la recherche dans les mois qui viennent ?

Charlotte Taupin : Ah la recherche ! D’abord je veux saluer la recherche car en réalité on serait bien pauvres sans leur contribution. Ils ont au moins 10 ans d’avance sur nous ! Puiser dans cette science fondamentale, c’est capital pour nous ! Les neurosciences, la data et la prospective ne sont pas des sujets nouveaux. Simplement ils doivent évoluer à mesure que notre monde évolue, et là on est au cœur de ce qu’est (ou de ce que doit être) la recherche. En réalité, j’ai envie de poser la question à l’envers: quelle direction va prendre le monde des études, comment celui-ci va évoluer et intégrer ces nouvelles briques scientifiques dans son offre, et surtout qui va se charger de la faire valoir, l’expliquer ?

Analytics & Insights : Développer de nouvelles approches ne peut s’effectuer sans un minimum de partenariat entre annonceurs et instituts …

Charlotte Taupin : Absolument. Ce qui a changé justement, c’est cette notion de partenariat qui s’impose de plus en plus, et heureusement ! La relation client-fournisseur commence à être dépassée aussi. Le client a des besoins. Le rôle de l’institut est de lui apporter la meilleure des réponses. Celle-ci n’est pas possible sans dialogue. Je me souviens du temps où le jeu consistait pour l’annonceur à en dire le moins possible pour tester l’institut sur sa capacité à imaginer seul la meilleure des options possibles. Celui qui remportait le budget n’était pas forcément celui qui proposait la meilleure méthodologie/ approche mais celui qui avait le mieux réussi à cerner le problème du client. Aujourd’hui, ensemble client et fournisseur coconstruisent de plus en plus, l’un apportant un regard méthodologique versus des enjeux apportés par l’autre, l’annonceur, qui définit précisément son besoin pour la marque, le secteur, mais aussi pour lui-même.

Analytics & Insights : De nouveaux acteurs issus du monde des technologies sont apparus dans le champ de la connaissance consommateurs ces dernières années : comment vous situez-vous – je parle des instituts – dans ce nouveau paysage ?

Charlotte Taupin : Happydemics est avant tout une entreprise technologique, dont l’objectif est de simplifier et fluidifier le process de production des études, quelles qu’elles soient, pour ne passer que du temps utile sur ces études et délivrer des insights à nos clients, au moment où la décision se prend et non pas après !

La technologie dans notre cas sert donc un enjeu de simplification et de délais, les deux allant souvent de pairs !-)

Notre métier s’appuie encore et toujours sur l’humain pour dégager les principaux enseignements d’une étude. Ce n’est pas parce qu’on parle de technologie qu’il n’y a plus d’humain.

La technologie doit être un support pour faciliter l’accès à l’insight, c’est-à-dire la prise de décision. Elle ne remplace pas l’intelligence qu’on doit mettre dans la data.

Et ce n’est pas moins intelligent de délivrer des insights en quelques jours plutôt qu’en quelques mois. Le temps homme chez Happydemics est seulement dédié à l’analyse. Il laisse toutes les autres tâches à notre technologie (qui va plus vite, et sans erreurs !)

Nous avons remplacé la production d’étude par une technologie parfaitement huilée pour anéantir toutes les tâches chronophages et humaines. Et nous avons conservé l’intelligence mise dans l’interprétation de ces données.

Nous mettons de l’insight dans la technologie là où les instituts traditionnels mettent de la technologie dans l’insight.