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2 ans plus tard

Market Research dans le monde d’après, avec Charlotte Taupin

Charlotte Taupin
Cocréatrice de Sugi Research


Il y a deux ans, Charlotte Taupin répondait ici-même à nos questions sur l’avenir de la connaissance consommateur ; depuis, elle a cofondé Sugi Research, et souhaité renouveler l’exercice.

Analytics & Insights : D’une manière générale, après deux ans d’une crise sociétale qui perdure, peut-on encore envisager le monde des études comme avant la crise sanitaire ?

Charlotte Taupin : Cela a beaucoup changé oui mais en mieux ! De toute crise naissent des opportunités. Pour le monde des études aussi. Le département études n’est pas isolé au sein d’une entreprise et il peut tenir un rôle central dans ce nouveau monde. Il doit tenir compte des défis actuels tels que le bien-être au travail, l’environnement et l’utilisation responsable des données.

En tant qu’entité, il peut se transformer et, grâce à son rôle stratégique, être à nouveau au cœur des enjeux de demain. Il doit d’ailleurs prendre les choses en main avant que d’autres ne le fassent pour lui ! Ce nouveau monde offre beaucoup de nouvelles opportunités aux études : Par exemple en créant des ponts entre les différentes disciplines comme la data, CX et insight. Mais aussi en encourageant l’innovation, la prise en compte de l’environnement, l’usage des données et leur meilleure circulation.

Analytics & Insights : A cela s’ajoute la récente montée en puissance des AI : comment vois-tu ces nouveaux apports ?

Charlotte Taupin : Ce qui me frappe c’est que l’on parle d’IA depuis bien longtemps dans nos métiers. Avant la pandémie, nous ne savions pas utiliser Teams pour collaborer, mais nous avions déjà recours à des outils super puissants et notamment l’IA dans le cadre de projets d’étude. Le chargé d’étude, c’est un peu le cordonnier mal chaussé : Il adore les outils et la technologie si cela aide à générer des insights… Par exemple l’IA traite très bien les verbatims et est à l’origine d’indicateurs et de méthodologies hyper pertinentes proposées par les instituts… Et pourtant, il ne sait pas l’utiliser pour lui-même, pour travailler plus efficacement, envisager de nouvelles méthodes de travail.

J’ai le sentiment que Chat GPT a déjà permis de démocratiser l’IA en version accélérée : on comprend mieux que cela nous concerne aussi. Et c’est sûrement aussi grâce à l’escalade post pandémie : on est « prêt » à accueillir ce type d’initiative et à ouvrir de nouvelles perspectives sur notre métier. Les technologies de l’IA ont le potentiel de révolutionner la manière dont nous menons des études mais aussi nos méthodes de travail.

Ceci dit, je ne le vois pas non plus remplacer l’humain. Je le vois plutôt comme un « co-pilote » : il va simplifier nos recherches et nous donner accès à une analyse plus sophistiquée, et l’humain sera toujours là pour interpréter, prendre les bonnes décisions et communiquer. Les possibilités sont nombreuses : il reste à inventer des outils de travail adaptés à nos besoins, à nos métiers. Ça va aller vite ! Quand on sait que Netflix, après son lancement en 1999, a mis près de trois ans pour atteindre ce cap, alors que Chat GPT vient d’atteindre le même niveau en seulement 5 jours après son lancement, tout est possible, et cela va être passionnant !

Analytics & Insights : Tu as récemment lancé Sugi, un cabinet de conseil spécialisé dans l’économie circulaire appliquée au Market Research : une réponse aux turbulences actuelles ?

Charlotte Taupin : Je suis tombée récemment sur une enquête réalisée par Syntec conseil au sujet de la pénurie de talents dans notre secteur : tu parles de ces turbulences-là ?

C’est vrai que le problème se pose. Et le sujet du niveau des salaires n’est pas seul en cause. Nos métiers n’attirent plus.

J’ose le dire : il y a beaucoup de souffrance liée au manque de moyens et d’outils (encore tellement de tâches sont manuelles), mais aussi à une frustration d’autant plus forte que les équipes études sont ultra challengées : on ne cesse de leur rappeler que leur métier a changé, qu’il faut hybrider les données, qu’il faut prendre de la hauteur, qu’il faut travailler avec toutes les autres équipes dites « data » et in fine d’être à la croisée des chemins, de piloter la connaissance et de bien la diffuser ! Et puis il faut faire tout cela dans le respect de règles de qualité, du RGPD, et de l’impact sur l’environnement.

Franchement, ça peut être un peu angoissant !

En réalité, Sugi Research est là pour les aider à relever tous ces défis.

J’ai cocréé Sugi Research pour contribuer à redonner de la valeur et de l’impact à nos études, mais aussi à la fonction !

Quand je parle d’impact, je parle du fameux « faire savoir ». Diffuser nos insights aux bonnes personnes via le bon canal et au bon moment. On a trop tendance dans nos métiers à s’arrêter à la pertinence de l’insight – essentiel évidemment – mais c’est un peu dommage si personne n’en profite !

Je vois maintenant des profils émerger qui ne sont plus 100% insight mais aussi avec une vraie sensibilité pour la communication.

Mon associée est journaliste. Avec Clémentine, on réinvente les formats et même le contenu des présentations, en fonction des publics. C’est fondamental sinon l’étude aura beau être brillante, elle sera inutile !

Sugi Research, c’est 3 choses : la recherche d’efficacité dans nos méthodes de travail (qui sait, peut-être avec des outils d’IA ?), l’amélioration des conditions de travail et de collaboration (et là je pense à la relation marque-institut) et in fine de notre bien-être ; et enfin une contribution à la prise en compte environnementale.

Voilà pourquoi je parle d’économie circulaire des data et des insights car c’est justement la définition de l’ADEME* qui nous a inspiré !

Et puis un dernier point sur les compétences. On parle d’hybridation de données, il faut de mon point de vue aussi parler d’hybridation de profils, et se former, se former et se former encore.

*« L’économie circulaire est un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en permettant le bien-être des individus ».