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Ne me parlez plus de data, parlez-moi d’insights

Meryem Amri est Directrice Marque & Expérience à Union des Marques. Après une dizaine d’années en agence media où elle était responsable des études, du planning stratégique & de l’innovation, Meryem AMRI a rejoint l’Union des Marques il y a 4 ans où elle pilote les expertises Insights, Marketing & Production publicitaire. Elle coanime le Think Tank Open Réinvention qui regroupe une quarantaine de décideurs marketing. Elle est membre du comité de pilotage de la Journée Nationale des Etudes.


Ma position au sein de l’Union des Marques me permet d’observer au plus près l’évolution de la fonction Consumer & Market Insight et je constate qu’elle fait face aujourd’hui à des enjeux multiples.

Ce sont avant tout les paris auxquels sont confronté tout professionnel du marketing opérant dans la période : environnement instable, nouvelles attentes de l’individu/consommateur, nouvelles concurrences, multiplication des points de contacts… Quand on se penche sur le propre de la fonction CMI, la complexité s’intensifie encore. La donnée nécessaire à appréhender ces changements est partout et, avec elle, les outils, les sources et les pourvoyeurs de solution de captation se multiplient.

Il y a quatre ans, le choix de l’Union des Marques d’incuber le collectif Insights Hub(*) s’appuyait sur notre conviction que la fonction CMI avait un rôle majeur à jouer face à des transformations, quelles soit digitales ou responsables, accordant une place centrale à l’individu/ consommateur dans les organisations.

Les mutations que l’on observe sont le résultat d’un nouveau leadership du consommateur, favorisé par les évolutions des usages numériques, ce dernier a maintenant une connaissance fine des rouages des entreprises, la possibilité d’avoir un contact direct avec elles et l’appétence à le faire (Selon la dernière étude #çamarque de Kantar pour l’Union des Marques, au cours des 12 derniers mois, 52% des Français sont entrés en contact avec une marque, bien plus par des points de contacts digitaux (email 46%, site web 41%, réseaux sociaux 26%), que par des moyens offline (téléphone 20%, boutique/agence 13%, courrier 8%)).

Cela conduit inévitablement à lui donner une place centrale, la fameuse approche « consumer centric » : on pense les produits, leur distribution et leurs services en fonction de l’individu/consommateur. Il n’est presque pas nécessaire de préciser dans ce paradigme le rôle quasi vital de la fonction CMI. L’année qui vient de s’écouler et le contexte dans lequel nous nous trouvons encore n’ont fait que renforcer ce constat et mes convictions.

Néanmoins une fois ce constat dressé, force est de constaté que le cheminement pour faire de la fonction CMI le pivot de la transformation n’est pas totalement abouti.

Les réflexions que nous menons avec l’Insights Hub au sein de l’Union des Marques ont pour objectifs d’accompagner le renforcement de cette fonction, que ce soit pour appréhender au mieux les mutations, faire évoluer ses connaissances et la promouvoir auprès de toutes les parties prenantes (clients internes, prestataires, étudiants, …).

Essayons de dresser les différentes dimensions qui impactent la fonction.

Le consommateur

La dimension « consumer centric » implique de cerner au mieux le consommateur. Or les dimensions pour l’appréhender se multiplient. Comprendre le schéma de la connaissance client implique de croiser de multiples couches.

Études macro d’attitudes & d’opinions (panel, études, …) mais aussi usages & consommation médias, social permettent d’évaluer les grandes lignes d’évolution de la consommation, les sujets d’intérêt, les phénomènes émergeants. Tous ces éléments peuvent donner à connaitre des nouveaux segments de développement business ou aider à établir des stratégies de communication. En résulte un schéma (forcément non exhaustif) de la connaissance client qui s’est complexifié. Connaître les tendances de fond de l’évolution des individus/consommateurs passe toujours par les données d’études d’attitudes & d’opinion, par l’analyse de la consommation média (complexe car de plus en plus fragmentée), par les résultats des données de vente. S’y ajoute aussi le social listening qui permet d’appréhender des microphénomènes, des tendances émergentes et/ou des usages de microcibles peu visibles autrement.

À ces éléments il faut encore adjoindre l’analyse des données dites propriétaires du site, du CRM, l’écoute de la voix client via les plateformes dédiées ou via, encore une fois, le social listening. Les remontées voix du client permettant de faire évoluer en quasi temps réel l’offre ou le service. Mais aussi les données de vente, avec une nouvelle contrainte si l’entreprise se trouve dans un schéma intermédié.

L’ensemble intervient dans un contexte où de surcroit la lecture et la compréhension des cibles est de plus en plus délicate car les critères sociodémographiques ne suffisent parfois plus à définir ces cibles (parcours & étapes de vie ne sont plus linéaires). Nouvelles attentes, marchés émergents & nouvelle concurrence (qu’elles soient business ou de l’attention d’ailleurs).

Parmi les éléments de complication, nous pourrions encore ajouter la difficulté induite par la période, de recueillir la parole du consommateur dans un environnement distanciel et perturbé.

Les parties-prenantes

Parallèlement à l’évolution du consommateur, le champ des parties-prenantes évolue aussi. En lien avec des sources de connaissance du consommateur pléthoriques et hétérogènes, le paysage des partenaires-prestataires se densifie et se complique.

La fonction

La donnée consommateur n’appartient pas uniquement à la fonction CMI, mais à toute l’organisation. Le rôle de la fonction est peut-être aujourd’hui avant tout, d’accompagner l’ensemble de l’entreprise dans la maitrise de cette connaissance : comprendre les données consommateurs, les évaluer à leur juste valeur, les appréhender de manière macro et les analyser le plus justement possible pour en tirer de la richesse.

La fonction CMI est aussi exposée à la multiplication des parties prenantes en interne. Chacune détient un pan de la connaissance. Elles et n’ont cependant pas toujours l’expertise (et osons le dire) la rigueur propre à la fonction CMI pour juger et utiliser la donnée à sa juste valeur.  Il est important de ne jamais perdre de vue que la data est une commodité au service de l’insight. La fonction CMI doit donc travailler son leadership en interne pour continuer à être identifiée comme le pivot de cette connaissance.

En conclusion, le rôle de la fonction CMI est, dès lors, de gérer et de mettre à disposition de la connaissance, de rendre la donnée tangible et intelligente, donc de lui conférer de la valeur opérationnelle & stratégique. Ici réside les nouveaux kpi’s de la fonction.

(*) L’insights Hub est un collectif de professionnels des Etudes – côté annonceurs –, incubé à l’Union des Marques, animés par la même volonté d’affirmer et de renforcer la place stratégique de la fonction « insights » dans l’entreprise.