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Market Research dans le monde d’après, avec Driss Farissi

Driss Farissi – CEO & Founder de H-in-Q (Happiness in Questions).

Après plus de 25 ans dans les études Marketing, essentiellement entre P&G (11 ans) et Kantar (8 ans), Driss a lancé H-in-Q en 2018 avec l’objectif to digitaliser le métier des études.

Les ingrédients clé du projet sont la primauté de la compréhension consommateur sur la technologie et la data ; le programatic sampling et le conversationnel ; puiser dans la puissance de l’lAnalytics y compris l’IA ; automation du processus études end to end. Driss a travaillé sur 3 continents et 7 pays différents et a géré des projets marketing dans les 4 coins du monde.


Analytics & Insights : La crise sanitaire a profondément secoué le monde des études marketing et de la connaissance consommateurs : pour toi, s’agit-il plus d’une rupture ou d’une accélération de tendances déjà existantes ?

Driss Farissi : Une rupture n’est rien d’autre qu’un niveau de tendance. Du coup la seule vraie question est celle de l’accélération. Et à mon sens ce qu’il faut essayer de regarder c’est le niveau et le sens des accélérations par domaine. Tout bouge, Corona ou pas. C’est dans l’ordre des choses. Voici des exemples de mouvements qu’on peut lier hypothétiquement au Corona avec des dynamiques qui peuvent être différentes en termes d’intensité et de sens. Je vais partir d’une analyse que j’ai faite des tendances à partir des mots recherchés sur Google lors de la première vague du Corona au Maroc. Le résultat peut être consulté sur ce lien.

Quelques éléments à relever :

  • L’accélération de l’e-commerce (livraisons à domicile par les enseignes de la grande distribution dans nos résultats) : l’équivalent de cela dans notre métier est l’accélération des études digitales. Le questionnement des répondants à distance a clairement bénéficié des restrictions Corona ouvrant la porte à pas mal de startups pour percer un peu dans notre métier. Nous en sommes un exemple. Happydemics, en France, est aussi un bel exemple. Il faut noter que ces startups, étant des digital natives, arrivent avec des pratiques nouvelles qui sont appelées à s’installer et changer de manière pérenne la pratique des études (exemple : le programmatic sampling, le conversationnel, l’IA Analytics, etc.)
  • Le retour aux fondamentaux (l’apparition des thématiques religion, nation, travail, etc. dans nos résultats) ; pour les études, j’ai peur que ce soit le contraire qui va se passer dans un premier temps. En effet la poussée technologique et data dans notre métier, encouragée par le Corona, crée une espèce de leurre de toute puissance qui fait oublier aux nouveaux prestataires que les études sont d’abord une compréhension profonde du consommateur avant que ça ne soit de la technologie de collecte et d’analyse des données. C’est ce que mesurent les données qui est la vraie question et non pas les données ou les technologies utilisées. Mon pressentiment c’est que les victimes du syndrome de la toute-puissance de la donnée et des technologies se réveilleront après un certain temps face aux limites de ces outils à apporter des vraies réponses aux clients fautes de modèles fondamentaux qui rendent compte de la dynamique de la consommation dans toutes ses facettes.
  • Le Corona, encore une fois par l’encouragement du digital, a montré l’urgence pour les opérateurs historiques de notre métier de se réformer. On voit déjà les prémisses dans l’évolution des offres (exemple : le rachat de Synthesio par Ipsos) et les réorganisations qui ont été ou vont être lancées avec leur lot de difficultés sociales. Elles sont un passage obligé pour faire face aux nouveaux arrivants plus agiles et moins chers (observer l’éclosion de Netflix dans les résultats l’étude en lien)

Analytics & Insights : Prospective, data, AI, neurosciences, communautés, etc. : dans quelles directions va se développer la recherche dans les mois qui viennent ?

Driss Farissi : Comme je l’indiquais dans ma première réponse, le Corona a clairement accéléré la digitalisation de notre métier. L’IA y prendra une place de plus en plus importante pour tirer profit des opportunités d’un métier qui est fondamentalement un art de générer et de faire parler les données. La collecte des données sera de plus en plus digitale (Programmatic sampling, conversationnel communautaire y compris, vidéos et images neuro y compris, combinaison données individuelles questionnaire – données agrégées réseaux sociaux) ainsi que les analyses et le reporting (Machine Learning, Deep Learning, Dashboarding temps réel ou presque, etc.).

Analytics & Insights : Développer de nouvelles approches ne peut s’effectuer sans un minimum de partenariat entre annonceurs et instituts …

Driss Farissi : Il va de soit que sans ce partenariat les choses bougeront plus lentement. Le cas de H-in-Q est assez parlant. Nous sommes une startup qui a chois le tout digital comme créneau pour échapper à la concurrence des gros opérateurs. Or souvent nos clients nous répondent qu’ils préfèrent les approches classiques le temps pour les nouvelles d’être éprouvées par les autres. Ce qui nous permet aujourd’hui d’exister c’est le partenariat de certains clients qui sont ouverts à l’innovation et qui n’ont pas peur de sortir des sentiers battus. Aussi de notre côté (les startups), nous dévons être compréhensifs et proposer de solutions hybrides qui permettent aux clients des transitions plus douces.

Analytics & Insights : De nouveaux acteurs issus du monde des technologies sont apparus dans le champ de la connaissance consommateurs ces dernières années : comment vous situez-vous – je parle des instituts – dans ce nouveau paysage ?

Driss Farissi : Il y aura de tout et même des choses qu’on ne peut imaginer aujourd’hui. Voici quelques éléments de réflexion les dimensions possibles qui vont forger les segments des instituts qui se développent :

  1. Est-ce que l’acteur est né dans les études (Kantar) ou dans la Tech (SurveyMonkey) ?
  2. Est-ce que l’acteur « se consumérise » ou reste sur la Tech comme cœur du métier ?
  3. Est-ce que l’acteur est né digital (H-in-Q) ou se digitalise (Ipsos)
  4. Est-ce que l’acteur est généraliste ou spécialiste ?
    • Par problématique (image, satisfaction, mystère, etc.),
    • Par méthode (Qual / Quant / Social listening),
    • Par segment de chaine de valeur (collecte des données, analyses, reporting).
  5. Est-ce que l’acteur se généralise ou reste sur sa spécialité ?